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Loi ALUR : les agriculteurs pourront-ils encore loger sur leur exploitation ?

Date de publication : 13.02.18

Agriculture . droit de l'urbanisme et aménagement du territoire . droit de la construction

Loi ALUR et agriculture

Patrick Lopasso Thibault Stephan

La loi ALUR apporte des modifications qui méritent quelques éclaircissements, et notamment celui de savoir si les nouvelles dispositions de la loi restreignent ou non la possibilité pour les agriculteurs d’obtenir des permis de construire dans ces zones inconstructibles par nature.

L’article L. 123-1-5 a été modifié, incérant des dispositions particulières applicables dans les secteurs agricoles. Dans ces zones naturelles, agricoles ou forestières, la législation antérieure prévoyait déjà des limitations en raison du caractère particulier de la zone à protéger. Le règlement autorisait une délimitation de secteurs à condition que cela ne porte pas « atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers, ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages » (rédaction antérieure à la loi du 24 mars 2014 dite loi ALUR). Le nouvel article L. 123-1-5, dont la structure même a été entièrement revue, insère un « 6° » concernant ces zones naturelles, agricoles et forestières qui renforce sensiblement la protection de ces espaces :

  • D’une part, l’avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles est requis pour la délimitation de secteurs pouvant « à titre exceptionnel » autoriser des constructions.A noter : « l’avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de 3 mois à compter de la saisine ».
  • D’autre part, le règlement précisera les conditions de l’aménagement de ces constructions (hauteur, densité…) en raison d’une protection et d’une prise en compte du caractère naturel, agricole et forestier de la zone, comme c’était déjà le cas avant la loi ALUR, cependant il est ajouté de nouvelles contraintes en termes de raccordement de réseaux publics et surtout en terme « d’hygiène et de sécurité » incluant notamment les constructions et les résidences démontables ou mobiles.

Très clairement, les nouvelles dispositions de la loi du 24 mars 2014 renforcent la préservation de ces sites en imposant des contraintes supplémentaires.

En ce qui concerne le changement de destination ou l’extension limitée de bâtiments en dehors de ces zones (toujours en zones naturelles, forestières et agricoles), l’article L. 123-1-5 précise que toute modification devra faire l’objet d’un avis conforme de ladite commission. L’avis n’est donc pas seulement une étape de la procédure (avis simple), il devient une formalité substantielle susceptible d’entraîner l’annulation de projets. Il est en de même pour les bâtiments présentant un intérêt architectural ou patrimonial, l’avis conforme de la commission est nécessaire avant tout changement de destination.

A noter : le législateur n’a pas donné de délai concernant l’obtention tacite d’un avis réputé favorable.

Rappel : Les commissions départementales ont été instituées par la loi de modernisation pour l’agriculture du 27 juillet 2010 afin de lutter contre la régression des surfaces agricoles. Elles émettaient des avis sur l’opportunité au regard de l’objectif de préservation des terres agricoles de certaines procédures ou autorisations d’urbanisme. Ces avis simples jouaient avant tout un rôle pédagogique, d’éclairage, d’orientation et de conseil à l’encontre des élus territoriaux. Aujourd’hui, ces commissions sont devenues de véritables acteurs de la maîtrise de l’espace naturels, forestiers et agricoles et de leur protection effective.

Ces modifications apparaissent, au premier abord, comme un durcissement des conditions relatives à l’obtention d’un permis d’aménager dans ces zones naturelles, forestières et agricoles cependant il est nécessaire d’attendre que le juge se positionne sur ces nouvelles conditions notamment sur l’appréciation des avis de la commissions. La jurisprudence Danthony, largement utilisée en matière urbanistique, pourrait tendre à atténuer les effets parfois dévastateurs de la complexification des procédures et des saisines en amont d’organismes consultatifs.

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