La MINUTE FISCALE – Février 2024
Date de publication : 22.02.24
Chahinez Meddeber
Nos avocats et juristes conseil décryptent les actualités fiscales du mois.
AU SOMMAIRE
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Gains issus de management package (CAA Paris 07/02/24, 22PA02007)
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Appréciation de la prépondérance immobilière (CAA NANTES 9/02/2024, 23NT01228)
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SARL et validité de l’option à l’IS (CE 05/02/2024, 470324)
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Fraude à la TVA par l’employé d’un assujetti (CJUE DU 30 JANVIER 2024 AFFAIRE C‑442/22)
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Réduction de capital non motivé par des pertes (CADF/AC n° 3/2023)
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Abattement renforcé et holding animatrice (CAA NANCY, 25/01/2024, 22NC02061)
Gains issus de management package (CAA Paris 07/02/24, 22PA02007)
Pour rappel, la JP considère que les gains tirés des « Management package » sont imposables dans la catégorie des « traitements et salaires » et non comme des « plus-values de cession de valeurs mobilières », à la condition que les salariés en aient bénéficié en contrepartie des fonctions exercées dans l’entreprise.
SARL et validité de l’option à l’IS (CE 05/02/24, 470324).
Faits et procédure :
- Dans le cadre d’une opération de LBO du groupe P, groupe initialement détenu par la SC Holding , un mécanisme d’intéressement des managers a été mis en place par interposition de la société T. Il prévoyait l’octroi d’actions de préférences accordant aux titulaires une quote-part du prix de cession en cas de sortie du LBO.
- Un des managers bénéficiaires a créé une société civile quelques jours avant le débouclage du LBO et y a apporté la totalité des actions qu’il détenait sur la société T .
- Suite à la cession du groupe P, le manager a déclaré les gains issus de la revente comme étant des gains de cession de titres.
- L’AF est revenue requalifier ce gain tiré de la revente en gain salarial à hauteur du montant de l’intéressement résultant de la minoration du prix d’acquisition, en considérant que l’interposition de la société civile était fictive, mais sans appliquer la procédure d’abus de droit.
- Les contribuables ont contesté l’analyse et ont obtenu gain de cause devant le TA. L’AF a formé appel.
Décision de la CAA :
Les gains de « management package » ne peuvent être requalifiés en traitements et salaires en l’absence de mise en œuvre par l’administration de la procédure de l’abus de droit fiscal (Art. L64 du LPF) pour écarter, comme fictive, l’interposition d’une société civile.
Appréciation de la prépondérance immobilière (CAA NANTES 9/02/2024, 23NT01228)
Pour rappel, les PV de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées sont exclues du régime des PV long terme (art. 219-I-a sexies-0 bis du CGI) et donc taxées dans les conditions et aux taux de droit commun de l’IS. A l’inverse Les PV de cession de SPI cotées qui répondent à la définition fiscale des titres de participation relèvent du taux réduit d’imposition des plus-values à long terme (Art 219-1-a du CGI).
=>la doctrine fiscale précise la définition de la prépondérance immobilière.
Faits et procédure :
- La SAS B, filiale d’un groupe intégré fiscalement, a réalisé plusieurs cessions de parts sociales de SCI entre 2014 et 2017.
- Elle a appliqué le régime des plus-values à long terme sur titres de participations.
- L’AF a contesté cette application, arguant que les SCI étaient à prépondérance immobilière en tenant compte des contrats de crédit-bail que la société avait conclus.
- La société a contesté ce raisonnement devant le TA de Rennes qui a rejeté sa demande.
Décision de la CAA :
- La Cour confirme que les contrats de crédit-bail doivent être pris en compte pour apprécier la prépondérance immobilière au sens de l’article 219-I-a sexies-0 bis du CGI, et ce même si ces contrats ne sont pas inscrits à l’actif des SCI, car ils contribuent à la valeur immobilière de l’entreprise.
- Il n’y a pas lieu de distinguer pour apprécier la prépondérance immobilière, selon que le contrat de crédit-bail a été conclu ou acquis par la société dont les titres ont été cédés.
SARL et validité de l’option à l’IS (CE 05/02/2024, 470324)
Pour rappel, l’option à l’IS doit être exercée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l’IS. Cette option doit répondre à certaines conditions de fond et de forme prévues par le CGI.
=>Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2018, l’option à l’IS peut être révoquée (jusqu’au 5ème exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée).
Faits et procédure :
- La SARL C constituée d’un associé unique personne physique, avait mentionné dans ses statuts son assujettissement à l’IS et avait déposé ses déclarations sous ce régime dès son premier exercice social.
- Elle a fait l’objet d’un contrôle fiscal ayant abouti à un rehaussement de son IS.
- Elle a tenté de contesté son assujettissement à l’IS en faisait valoir
- que dans le formulaire dénommé « M0 » de déclaration de création d’entreprise, transmis au CFE, elle n’avait pas coché la case correspondant à l’option en faveur de l’assujettissement à l’IS, ayant au contraire indiqué être soumise aux BIC
- Et qu’elle n’ avait pas notifié aux services fiscaux, dans les conditions prévues à l’article 239 du CGI et à l’article 22 de l’annexe IV à ce code, d’option expresse pour l’assujettissement à l’IS
- Après que la société ait obtenu gain de cause devant le TA, l’AF a formé appel de la décision.
- La CAA a annulé le jugement du TA. La société a donc formé un pourvoi devant le CE.
Décision du CE :
- Une SARL dont l’associé unique est une personne physique qui déclare dans ses statuts constitutifs relever du régime de l’IS et qui, dès son premier exercice social, dépose ses déclarations de résultats sous le régime de cet impôt, est réputée avoir régulièrement opté pour l’IS.
- Cette solution vient contredire la JP judiciaire concernant les SCI à l’IS .
Fraude à la TVA par l’employé d’un assujetti (CJUE DU 30 JANVIER 2024 AFFAIRE C‑442/22)
La question posée devant la CJUE portait sur l’interprétation de l’article 203 de la directive TVA : lorsque l’ employé d’un assujetti à la TVA émet une fausse facture mentionnant la TVA, sur laquelle il a indiqué les données de son employeur en tant qu’assujetti, mais à l’insu de ce dernier et sans son consentement, lequel de l’employeur ou de l’employé doit être considéré comme étant le redevable de la TVA ?
Faits et procédure :
- L’ employé d’une société polonaise remettait à des clients des factures indiquant un montant de TVA fictif afin de permettre à ceux-ci d’obtenir des remboursements de TVA.
- Il vendait le carburant aux clients sans TVA, et ne reversait aucune TVA à l’Etat.
- Ces agissements se faisaient à l’insu et sans le consentement de la direction de la société.
- L’AF polonaise avait retenu que les agissements frauduleux avaient été rendus possibles du fait de l’absence de supervision et d’organisation adéquate au sein de la société qui embauchait l’employé.
- La société a contesté cette décision devant le juge national qui a saisi la CJUE.
Décision de la CJUE :
Si un employé utilise les données de son employeur pour émettre de fausses factures , il devient redevable du montant de la TVA qui y figure, à la condition que son employeur, assujetti, ait fait preuve de la diligence raisonnablement requise pour contrôler les agissements de son salarié.
Réduction de capital non motivé par des pertes (CADF/AC n° 3/2023)
Pour rappel, l’article L. 225-207 du code de commerce prévoit que les sociétés peuvent décider une réduction de leur capital non motivée par des pertes par voie de rachat de leurs titres suivi de leur annulation.
Faits et procédure :
- L’administration fiscale avait considéré que les opérations de réduction de capital non motivées par des pertes permettant à un associé d’appréhender des dividendes sous le régime fiscal plus favorable des plus-values de cession de titres, constituaient un abus de droit fiscal.
- L’AF a mis en œuvre la procédure d’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales et a remis en cause le régime fiscal applicable à l’opération.
Décision du Comité :
- le Comité considère que ce type d’opération ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’il aurait choisi la voie la moins imposée pour bénéficier de la mise à disposition de sommes issues des réserves de la société.
- La solution aurait été différente si l’AF avait apporté la preuve d’un montage artificiel lequel aurait permis à l’associé de bénéficier du régime des PV (art. 112-6° du CGI) ainsi que de l’abattement pour durée de détention.
- Le Comité relève que le contribuable fait valoir sans être contredit de manière argumentée par l’administration que cette opération unique de réduction de capital, qui permet de diminuer les capitaux propres de la société et de réduire sa valeur, s’inscrit dans le cadre de la préparation de la transmission à terme de son entreprise.
- L’administration décide de rester sur sa position et de ne pas suivre le comité en relevant notamment que l’opération ne répond à aucun des motifs poursuivis par une réduction de capital autre que celui d’appréhender les réserves de la société sous le régime fiscal plus favorable des plus-values.
Abattement renforcé et holding animatrice (CAA NANCY, 25/01/2024, 22NC02061)
Pour rappel, selon les dispositions de l’article 150-0 D, 1 quater du CGI, il est possible de bénéficier d’un abattement renforcé en cas de cession de titres de PME de moins de 10 ans, pouvant aller jusqu’à 85 % après 8 ans de détention des titres cédés.
Selon la JP, lorsque la société dont les titres sont cédés est une holding animatrice, le respect de ces conditions s’apprécie tant au niveau de la holding que de chacune de ses filiales.
Faits et procédure :
- L’AF a remis en cause le bénéfice de l’abattement renforcé au taux de 85 % sous lequel s’était placé le cédant lors de la cession des titres de sa holding animatrice, au motif que trois des filiales de la holding ne remplissaient pas les conditions requises.
- Le tribunal administratif a validé cette position .
- L’affaire a été portée devant la CAA.
Décision de la CAA :
- L’activité prépondérante de la société correspondant à l’activité d’une holding animatrice, chacune de ses filiales devaient remplir les conditions exigées pour le bénéfice de l’abattement renforcé.
- La seule circonstance qu’elle ait exercé à titre accessoire une activité de recrutement pour le compte de sociétés tierces ne saurait avoir pour effet de lui faire perdre sa qualité de société holding animatrice.
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