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Bien négocier son contrat de management hôtelier inversé

Date de publication : 29.01.25

droit des affaires . droit du tourisme et de l'hôtellerie . hôtellerie . tourisme

Contrats de management hôtelier

Christopher Boinet Anne Epinat

Avec le développement des contrats de management inversés, négocier efficacement avec les chaînes internationales hôtelières permet de concilier rentabilité des investissements et maîtrise des risques opérationnels et financiers.

1/ L’objectif de l’investisseur : maîtriser les implications financières liées au transfert du personnel

L’investisseur hôtelier qui opte pour un contrat de gestion inversé, doit être conscient des implications financières liées au transfert de la gestion du personnel sur le gestionnaire (en général filiale d’un groupe hôtelier international, seul capable d’offrir ce type de services à la carte). En effet, bien que le gestionnaire soit l’employeur, le propriétaire est financièrement responsable des charges salariales.

C’est pourquoi, le propriétaire sera attentif aux points suivants du contrat de management inversé :

  • Pouvoirs du gestionnaire : Le gestionnaire hôtelier détient l’autorité unique sur le personnel, incluant les pouvoirs de direction et disciplinaire. Cela signifie qu’il doit gérer toutes les relations de travail, tant individuelles que collectives, sans ingérence du propriétaire. Si ce dernier interfère, il risque d’encourir des responsabilités, y compris celles de co-employeur, et pourrait même faire face à une résiliation du contrat de management pour faute.

 

  • Contrôle des coûts salariaux : Bien que le gestionnaire hôtelier assume le rôle d’employeur, le propriétaire doit s’assurer que les coûts salariaux ne deviennent pas incontrôlables. Pour ce faire, le contrat de management doit stipuler des conditions claires sur les rémunérations, notamment celles du directeur et des cadres de l’hôtel. Ces rémunérations doivent être alignées sur les pratiques de l’enseigne et des établissements hôteliers similaires, souvent vérifiées via des benchmarks. Les parties doivent se mettre d’accord sur le montant de la masse budgétaire affectée au recrutement et à la gestion du personnel.

 

  • Budgétisation et transparence : Un autre aspect essentiel est la concertation entre le propriétaire et le gestionnaire lors de la procédure budgétaire annuelle. Le propriétaire doit être informé et impliqué dans les décisions concernant les évolutions des coûts, y compris ceux liés aux recrutements, aux formations et aux charges sociales, ainsi qu’aux éventuels licenciements et contentieux.

2/  L’objectif du gestionnaire :  bien appréhender ses risques et négocier sa garantie financière

Lors de la négociation d’un contrat de management hôtelier inversé, l’une des principales préoccupations du gestionnaire est de se protéger contre les risques liés à une baisse d’activité de l’hôtel ou à son interruption. En effet, si le chiffre d’affaires ne suffit pas à couvrir les charges d’exploitation, y compris la masse salariale, le gestionnaire ne doit pas en subir les conséquences.

Pour cette raison, le gestionnaire hôtelier exige quasiment toujours la mise en place d’une garantie financière, généralement sous la forme d’une garantie corporate à première demande (GAPD). Alternativement, le propriétaire peut choisir de fournir une caution bancaire. Ce point est souvent au cœur de négociations car la fourniture d’une garantie bancaire représente un coût supplémentaire significatif pour le propriétaire, qui doit maintenir cette garantie durant toute la durée du contrat de management. Le gestionnaire préfèrera pour sa part une GAPD bancaire à une garantie corporate moins protectrice de ses intérêts. Il faut donc chiffrer et plafonner le risque théorique auquel serait exposé le gestionnaire. Certains risques du type incendie ou dégâts des eaux sont couverts par les assurances d’autres comme le COVID sont pris en charge pour partie par l’État. Le risque financier maximum s’agissant du personnel est lié au coût global du licenciement du personnel. C’est ce que le propriétaire hôtelier aurait dû dans le pire des cas acquitter en cas de diminution ou d’interruption de l’activité de l’hôtel.

Il est nécessaire que cette question de garantie soit abordée dès la phase précontractuelle, notamment lors de la conclusion du term sheet. En effet la mise en place d’une garantie ‘corporate’ sur toute la durée du contrat, émanant en pratique le plus souvent de la holding du propriétaire et constituant un engagement hors bilan, ne s’improvise pas.

3/ L’objectif commun des parties :  bien gérer la sortie du contrat et le sort des salariés de l’hôtel

À l’expiration ou à la résiliation anticipée du contrat de management hôtelier, le sort des salariés doit être expressément prévu dans le contrat. Celui-ci prévoit fréquemment que les salariés sont transférés de plein droit au propriétaire du fonds de commerce, qui reprend la gestion de l’hôtel. C’est tout à fait théorique, car le propriétaire va confier la gestion de son personnel au successeur du gestionnaire en place.

Le nouveau gestionnaire hôtelier pressenti va, après un audit social, largement négocier à son tour les modalités de sa succession avec le propriétaire de l’hôtel. Cette transition de personnel entre deux gestionnaires hôteliers se déroule généralement sans difficultés particulières sur la base d’un accord et d’un agenda négociés de façon tripartite. Cela devient un plus compliqué quand le propriétaire et le gestionnaire sortant se quittent en mauvais termes.

Le contrat de management doit clairement stipuler que, dans le cas où les conditions de l’article L. 1224-1 ne sont pas réunies, le propriétaire s’engage à faire « ses meilleurs efforts » pour assurer le transfert des employés vers le successeur du gestionnaire. Il est également essentiel que le contrat précise que, dans le cas de la fermeture définitive de l’hôtel (hypothèse encore une fois assez théorique), c’est au gestionnaire hôtelier de procéder au licenciement du personnel.

C’est pourquoi le contrat de management détaille les obligations du gestionnaire concernant le transfert ou le reclassement du personnel, ainsi que les procédures de licenciement à suivre et l’agenda préalablement à la fermeture de l’hôtel.

Le contrat (toujours rédigé par le gestionnaire ne l’oublions pas) précise bien sûr que les frais de licenciement, les indemnités et autres sommes dues au personnel sont considérés comme des frais remboursables au gestionnaire, sauf en cas de faute de sa part. L’ensemble de ces frais et dépenses est couvert par la garantie mentionnée précédemment et fera  partie du solde de tout compte en cas de résiliation du contrat.

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