Comment maîtriser la sortie d’un contrat de management hôtelier ou « l’exit strategy du propriétaire »
Date de publication : 27.08.25
Christopher Boinet
Anne Epinat
Les propriétaires doivent réfléchir à leur stratégie de sortie dès la sélection du gestionnaire et la négociation du contrat de management hôtelier.
Pourtant, une stratégie de sortie bien structurée peut éviter des contentieux coûteux et préserver la valeur et la liquidité de leur investissement. Voici les points clés à anticiper, illustrés par des cas concrets.
1. La durée du contrat : un équilibre à négocier
Les gestionnaires hôteliers proposent généralement des durées longues (10 à 20 ans, voire 40 ans pour les enseignes internationales). Pour le propriétaire, l’enjeu est de concilier sécurité et flexibilité.
Exemple : Un client propriétaire d’un hôtel 4 étoiles à Lyon a négocié une durée de 12 ans (au lieu de 15 ans proposés), alignée sur son plan de financement bancaire, avec une clause de renouvellement conditionnée à l’absence de manquement. Cette approche lui a permis d’adapter sa stratégie tout en négociant un processus de réévaluation régulier des performances du gestionnaire (sur la base des critères contractuels objectifs : GOP, RevPAR, respect des obligations de maintenance, etc.), lui permettant sortie après une durée courte.
À prévoir :
- Une durée adaptée à l’amortissement des investissements (murs, FF&E).
- Une éventuelle asymétrie : durée plus courte pour le propriétaire que pour le gestionnaire en prévoyant une clause de sortie anticipée pour convenance à la main du propriétaire (cf infra).
2. Les clauses à insérer avant la prise d’effet du contrat de management
Si le contrat est signé avant la réalisation de travaux de construction ou de rénovation de l’hôtel, certaines clauses sont essentielles :
- Date butoir de livraison : En cas de retard non imputable aux parties (problème de permis, financement), le contrat peut être résilié sans indemnité. Cas réel : Un projet à Bordeaux a été annulé sans frais après 18 mois de retard sur les travaux, grâce à une clause bien rédigée.
- Interdépendance des contrats : Lier le contrat de management à celui de contrat d’assistance technique du gestionnaire permet une résiliation simultanée en cas de problème sur l’un des deux (article 1186 du Code civil).
3. La conversion du contrat de management en en franchise : une option à négocier
Certains contrats permettent de basculer vers une franchise après 3 à 5 ans. Cette solution offre plus d’autonomie au propriétaire du fonds hôtelier, tout en conservant la notoriété de la marque.
Attention:
- vérifier que la franchise est réellement avantageuse (coûts, obligations).
- négocier cette option dès la signature, car elle est (très) rarement ajoutée ultérieurement
4. Intégrer les effets du régime juridique des mandats, applicable à la plupart des contrats de management hôtelier en France
Le contrat de management hôtelier est le plus souvent un mandat (art. 1984 et suivants du Code civil), conclu intuitu personae et fondé sur la confiance entre le propriétaire (mandant) et le gestionnaire (mandataire).
Avantages pour le propriétaire : la résiliation est plus souple ; c’est possible à tout moment, mais avec indemnité (sauf faute du gestionnaire). La confiance peut toutefois être rompue à la suite d’une série d’agissements fautifs du gestionnaire.
Jurisprudence récente : tendances et évolutions
La Jurisprudence s’est prononcée pour valider la rupture d’un mandat soumis aux dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil, en cas de perte de confiance du mandat envers son mandataire, dont on peut s’inspirer.
Le gestionnaire doit rendre des comptes réguliers (art. 1993 du Code civil). On rappellera ici la jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris le 9 novembre 2012, confirmée par la Cour de cassation le 4 novembre 2014, qui a considéré que même si le gestionnaire dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire pour assurer la gestion de l’hôtel, il doit impérativement rendre des comptes de sa gestion au propriétaire – mandant : la violation de cette obligation justifie la résiliation du contrat pour faute grave du gestionnaire.
- Le gestionnaire n’avait pas transmis les bilans mensuels détaillés pendant 12 mois consécutifs, malgré des relances écrites.
- Cette obligation était expressément prévue à l’article 5.2 du contrat, reprenant les dispositions de l’article 1993 du Code civil (obligation pour le mandataire de rendre compte de sa gestion).
- Référence jurisprudentielle : La Cour d’appel de Paris a déjà sanctionné un tel manquement dans un arrêt du 9 novembre 2012 (RG 12/12982), confirmé par la Cour de cassation (4 novembre 2014, pourvoi n° 13-10.494), en considérant que : “Le mandataire doit fournir au mandant une information complète et régulière sur l’exécution de sa mission, à défaut de quoi il manque à ses obligations essentielles.”
5. La résiliation anticipée du contrat de management : les pièges à éviter
Le test de performance :
Un outil efficace pour évaluer la gestion, mais une clause à rédiger avec soin dans le contrat pour qu’elle ait toute son efficacité juridique lors de la confrontation avec le gestionnaire.
Critères : GOP (Bénéfice Brut d’Exploitation) et/ou comparaison avec des hôtels similaires.
- Concrètement, la clause de “performance review” (révision périodique des performances) et d’un audit indépendant des performances seront à insérer, pour favoriser une sortie négociée avec le gestionnaire, pour faire l’économie d’un contentieux souvent long et aléatoire.
- Sanctions : Résiliation du contrat ou indemnité compensatoire versée par le gestionnaire (“cure payment”). Exemple: Le propriétaire d’un hôtel 5* en Haute Savoie avait fait valoir une indemnité de 175000 € de compensation après 2 ans de sous-performance avérée.
La cession de l’hôtel :
Le propriétaire souhaite assurer la liquidité de son investissement et pouvoir céder librement son hôtel ou sa participation au sein de la société qui détient l’hôtel, avec ou sans le contrat de management hôtelier en cours.
- le gestionnaire peut exiger un droit de préemption ou un droit de regard sur le repreneur s’il poursuit l’exécution du contrat.
- privilégier un “right of first offer” (droit de première offre) plutôt qu’un droit de préemption strict.
- éviter les indemnités contractuelles excessives : certains contrats prévoient jusqu’à 3 ans de commission en cas de vente anticipée. Une négociation serrée permet souvent de les réduire.
Le contrôle et la limitation des garanties souhaitées par le gestionnaire :
Le propriétaire veillera à limiter le plus possible les éventuelles garanties souhaitées par le gestionnaire autour du contrat. Cela pourrait en effet diminuer sa capacité de négocier sa sortie ou en cas de contentieux Les arguments ne manquent pas à cet égard.
La résiliation pour convenance :
Le propriétaire peut insérer une clause prévoyant la faculté de résilier unilatéralement le contrat sans motifs « résiliation pour convenance / à volonté ».
Cette clause (âprement négociée) applicable, après quelques années suivant la prise d’effet du contrat, permet au propriétaire de sortir sans indemnité.
Mais, le plus souvent, le gestionnaire hôtelier impose une indemnité de résiliation : par exemple, sur un contrat d’une durée de 15 ans, on rencontre des clauses prévoyant une indemnité conventionnelle de :
- 2 ans de commissions après 7 à 10 ans d’exploitation,
- 1 an de commissions entre les années 10 et 15 du contrat.
Au cours du contrat, le propriétaire pourra décider d’attendre la fin du contrat pour y mettre un terme, ou le résilier de façon anticipée, malgré l’indemnité contractuelle de résiliation.
Le cas échéant, il négociera un Key money avec le nouveau gestionnaire hôtelier pour financer en tout ou partie sa sortie.
La résiliation pour faute :
- Motifs valables : fraude, négligence grave, non-respect des obligations (budget, reporting). Indépendamment des clauses contractuelles spécifiques, le propriétaire peut invoquer des manquements au droit commun des contrats (Code civil).
Même en l’absence de clauses spécifiques, le propriétaire peut invoquer :
- l’inexécution grave (art. 1224 du Code civil)
La perte de confiance (art. 1984), mais cette voie nécessite des preuves solides.
- Preuves : Mise en demeure, rapports d’audit, jurisprudence (Cour d’Appel de Paris, 2012 précitée).
- Exception : à noter, la jurisprudence intéressante de la Cour de cassation (2023) qui a validé la résiliation d’un contrat sans mise en demeure,en cas de comportement “insultant et méprisant” du co contractant.
Risque : Une résiliation abusive peut entraîner des dommages et intérêts.
Enfin, la maîtrise du droit, de la juridiction et de la langue applicables au contrat de management :
Pour être efficace, autant « être sur son terrain » ( souvent celui du site de l’hôtel ) et maîtriser ces paramètres, plutôt que de voir s’imposer ceux du gestionnaire (qu’il aborde au demeurant rarement dans le term sheet).
Conclusion et méthodologie à suivre
Les propriétaires disposent d’une marge certaine de négociation auprès de chaque candidat gestionnaire hôtelier qui présente à la fois ses projets de BP, de term sheet et ensuite sa matrice de contrat de management hôtelier. Si le gestionnaire veut être sélectionné, il aura à cœur en principe d’expliquer et de justifier ses performances vis-à-vis de ses concurrents et la confiance du propriétaire, en recherchant un équilibre contractuel adapté à la gestion de l’hôtel.
C’est donc dès la phase du Term sheet que le propriétaire va négocier les points clés du contrat de management et de ses actes annexes. Revenir par la suite à plusieurs reprises sur les clauses significatives d’un Term sheet signé, insuffisamment négocié, est de nature à altérer la dynamique et l’agenda de négociation du contrat de management.
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