Le divorce du chef d’entreprise
Date de publication : 05.01.18
Ollivier Parracone
L’entreprise toujours soucieuse d’assurer la meilleure gestion des risques, ignore souvent que le divorce du chef d’entreprise peut avoir des conséquences désastreuses sur son fonctionnement, voire sur sa pérennité.
A condition d’agir en amont du divorce, le chef d’entreprise peut pourtant prévenir certaines des difficultés, tant celles le concernant que celles impactant l’entreprise.
Les risques les plus courants
- Dans un régime de communauté le conjoint d’un associé commun en bien peut revendiquer la qualité d’associé sur la moitié des parts sociales jusqu’au prononcé définitif du divorce. (Article 1832-2 du Code Civil). Cette faculté peut devenir un moyen de pression en cas de crise conjugale avec les conséquences qu’elle est susceptible d’emporter : partage du droit de vote, paralysie des organes sociaux, perte du contrôle majoritaire, etc.
- Un associé commun en bien ne peut céder sans l’accord de son conjoint les parts sociales pourtant inscrites à son seul nom (article 1424 du Code Civil).
- Dans le cas d’une procédure de divorce, un époux actionnaire commun en biens ne peut disposer librement de ses titres et notamment les céder seul. Les titres relèvent en effet des règles de la gestion de l’indivision (article 815-3 du Code Civil), d’où l’obligation de désigner un mandataire commun pour voter lors des assemblées. En cas de désaccord, le seul recours sera de demander la désignation judiciaire du mandataire.
- Quelle que soit la forme de sa société, le chef d’entreprise commun en biens doit, à l’occasion de son divorce, racheter les droits de son conjoint parfois au prix d’un endettement élevé, voire le contraindre à céder son entreprise à un tiers.
Afin de se prémunir contre ces risques, deux leviers peuvent être actionnés :
1 – Bien choisir son régime matrimonial ou le modifier si nécessaire
- Communauté légale
Nombre de chefs d’entreprises sont encore mariés sous ce régime, faute d’avoir fait le choix d’un régime conventionnel plus adéquat. Or, ce régime est inadapté pour un couple dont l’un des époux est chef d’entreprise.
– Les biens dont un époux ne peut prouver qu’ils lui sont propres sont présumés appartenir à la communauté ;
– La communauté répond des dettes nées de l’un ou l’autre des époux, notamment d’origine professionnelle. - Séparation de biens
Ce régime est celui le plus adapté dans le cas d’un conjoint entrepreneur. Il lui permet de conserver la maîtrise de son outil professionnel au cours du mariage et à la dissolution. Les biens et revenus de son conjoint sont protégés des poursuites de ses éventuels créanciers. Il peut toutefois présenter un inconvénient pour le conjoint car celui-ci ne profite ni des revenus, ni de la valorisation de l’entreprise créée pendant le mariage.
Cet inconvénient peut être neutralisé par l’adjonction d’une société d’acquêts qui pourra, par exemple, ne comprendre que les acquêts n’ayant pas un caractère professionnel (compte bancaire, résidence principale, etc.) - Participation aux acquêts
Ce régime fonctionne comme une séparation de biens pendant le mariage mais aboutit, lors de sa liquidation, à l’équivalent d’une communauté en valeur, prenant la forme d’une créance de participation. Le chef d’entreprise est ainsi protégé puisque chaque époux reste seul propriétaire des biens acquis à son nom. Il est également protégé de tout risque d’immixtion de son conjoint. Toutefois, la liquidation aboutit à un résultat équivalent en valeur à celui qu’aurait produit une communauté légale. Elle pose donc la même difficulté économique au chef d’entreprise en le contraignant à devoir désintéresser son conjoint de la moitié de la valeur de l’entreprise.
Ces trois régimes de base peuvent encore être aménagés de façon à être adaptés sur mesure. Par exemple, dans un régime de participation aux acquêts, il est possible de prévoir l’exclusion des biens professionnels de la créance de participation.
2 – Choisir un mode d’organisation adaptée à l’entreprise
Réflexes et travail sur les statuts
Dès l’apport ou l’acquisition des parts, le chef d’entreprise, par précaution, devra obtenir de son conjoint sa renonciation à revendiquer la qualité d’associé. Dans l’hypothèse d’une société par action simplifiées pluripersonnelles, il est souhaitable de soumettre à agrément l’entrée du conjoint en qualité d’associé lors de la dissolution de la communauté (article L. 227-14 du Code du Commerce).
Pour les autres sociétés par action, la solution peut être pour le dirigeant de détenir ses actions non à titre personnel mais par l’intermédiaire d’une société holding personnelle dont le capital sera constitué de droits sociaux non négociables. Il est également possible de transposer certains mécanismes destinés à régler les conflits entre associés égalitaires, en insérant par exemple une clause « buy or sell », une clause d’exclusion, etc.
Sécuriser le droit d’utiliser les actifs nécessaires à l’entreprise
Il est fréquent dans les entreprises familiales que l’immobilier d’exploitation ait été acheté par une SCI détenue par le conjoint non dirigeant. Le dirigeant devra alors être attentif à avoir conclu avec son conjoint des contrats écrits, de nature à assurer la protection de l’entreprise. Le chef d’entreprise dispose donc de deux leviers pour essayer de se prémunir ainsi que l’entreprise des risques du divorce. Ces deux leviers peuvent être actionnés de manière alternative. Le mieux est toutefois de les cumuler pour une meilleure efficacité. Bien des difficultés seront alors évitées dans l’hypothèse où il viendrait à divorcer.
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