L’âpre négociation des garanties dans les BEFA hôteliers
Date de publication : 09.01.20
Anne Epinat Christopher Boinet Philippe Gauguier
Les baux en état futur d’achèvement (Befa) hôteliers sont des contrats souvent complexes et volumineux à négocier. Les parties se livrent à plusieurs rounds de négociation et bailleur et preneur doivent défendre et argumenter âprement les garanties imposées par le bailleur dont les enjeux financiers sont significatifs.
Au cours des négociations des Befa hôteliers, bailleur et locataire sont amenés à négocier habituellement trois types de garanties importantes au profit du bailleur pour qu’il couvre son risque financier aux différentes phases de construction et d’exécution du Befa hôtelier.
La négociation des garanties traditionnelles liées à l’exécution du bail
La libre fixation du dépôt de garantie et les BEFA hôteliers
Rappel : Le dépôt de garantie est librement fixé par les parties pour les baux soumis au statut des baux commerciaux. En matière de Befa hôtelier, le dépôt de garantie (quand il existe) est de l’ordre d’un trimestre de loyer.
Lorsque le loyer du Befa est progressif, une progressivité similaire est en général appliquée au dépôt de garantie.
Les usages : quand le dépôt de garantie est supérieur à six mois de loyer, il est souvent remplacé par une GAPD (garantie à première demande), les deux garanties sont alors confondues.
L’âpre négociation sur la date de la remise du dépôt de garantie : le bailleur souhaite en général être en possession du dépôt de garantie le jour de la signature du Befa, c’est-à-dire avant même le début des opérations de construction ou de réhabilitation. Or, compte tenu de sa nature même (garantie des manquements du locataire en cours de bail), le locataire aura intérêt à soutenir que le paiement du dépôt de garantie avant la prise d’effet du bail ne se justifie ni économiquement ni juridiquement.
Le recours généralisé par le bailleur à la caution à la GAPD couvrant la période d’exploitation
Il s’agit pour le bailleur d’augmenter sa couverture du risque financier en cas de défaillance du preneur, compte tenu du peu de visibilité qu’il a avec la création du fonds hôtelier.
Le bailleur n’a aucune assurance que le preneur va respecter son compte d’exploitation prévisionnel (lequel au demeurant n’est pas contractualisé au Befa).et régler son loyer aux échéances.
Les usages : s’il y a déjà un dépôt de garantie, le preneur aura intérêt à négocier la réduction de cette garantie bancaire au terme des trois ou quatre années du bail.
À noter : le bailleur peut demander à la société mère du preneur à bail de se porter caution de l’exécution du bail. Avantage pour le preneur à bail : garantie moins coûteuse qu’une garantie bancaire.
L’âpre négociation sur la date de remise de cette GAPD : il est pragmatique de considérer que la GAPD doit être remise à la date de prise d’effet du bail et non antérieurement. Elle n’a en effet pas vocation à couvrir la phase de construction ou de réhabilitation de l’hôtel.
La remise prématurée de la GAPD aura à l’évidence un lourd impact négatif sur les finances du preneur à bail.
Les enjeux de la garantie propre au BEFA hôtelier, dite « de bonne venue »
En résumé, il s’agit de l’indemnité pour compenser le risque du bailleur dans le cas où le preneur à bail renoncerait au bénéfice du bail et à l’exploitation de l’hôtel, alors que l’hôtel construit par le bailleur est livré conformément aux termes du Befa et pour un coût souvent important et financé hors fonds propres, voire en crédit-bail immobilier.
L’évaluation de cette indemnité est délicate pour le bailleur, car elle doit comprendre le coût du financement du programme de construction, les éventuels travaux de modification des agencements et des locaux en cas de changement inopiné de locataire, le temps nécessaire pour retrouver un locataire avec les honoraires des brokers à la clé (sachant que le bailleur a déjà payé les honoraires du broker qui lui a présenté le locataire initial défaillant exigibles à la signature du Befa).
À noter : cette indemnité forfaitaire s’analyse juridiquement comme une clause pénale, régie par l’article 1231-5 du Code civil qui prévoit notamment que le juge peut réduire le montant de la pénalité prévue si celui-ci est manifestement excessif.
Les usages : le bailleur peut demander au titre de la garantie de « bonne venue » une somme forfaitaire équivalant allant jusqu’à 18 mois de loyer, à titre de clause pénale, sans justifier de ce montant.
S’il s’avère, au regard des faits, que cette indemnité de 18 mois de loyers a été considérée excessive par le locataire, celui-ci pourra obtenir du tribunal, saisi par le bailleur d’une action en paiement de l’indemnité « de bonne venue » qu’il en diminue le montant.
Pour contrer cette difficulté, le bailleur va exiger en sus de la clause pénale, la production d’une garantie de paiement de l’indemnité « de bonne venue » qui prend la forme d’une garantie bancaire de type GAPD.
Dès lors que le paiement de l’indemnité « de bonne venue » va s’effectuer par le jeu de la garantie bancaire, sans qu’il soit nécessaire pour le bailleur d’avoir une décision de justice. Le débat sur le montant excessif de la clause pénale va être écarté et le locataire qui voudra s’en prévaloir devra donc engager une procédure, ce qui, on le comprend bien, ne le favorise pas dans ce rapport de forces.
L’âpre négociation sur la date de remise de garantie « de bonne venue »
Le futur locataire peut considérer injustifiée la position du bailleur qui cherche à imposer dès la signature du Befa la remise de la totalité de la GAPD de « bonne venue ». Le locataire va avoir à supporter des frais bancaires et financiers significatifs (qui pourraient être mieux mobilisés pour l’exploitation de l’hôtel/ pour son BFR) . D’autre part, le risque de non-réalisation du projet immobilier hôtelier reste souvent éloigné et l’aléa sur son non-aboutissement ne relève pas de lui à ce stade.
Fréquemment, le Befa est soumis à plusieurs conditions suspensives, (le permis de construire purgé, etc.) qui doivent être réalisées sous un délai assez long allant parfois de 10 à 25 mois.
Tant que l’une au moins de ces conditions n’est pas réalisée, le locataire n’a aucune certitude que le projet d’immobilier hôtelier va aboutir et sera livré à la date prévue.
À cette étape du bail qui n’est pas avancée, le bailleur sera peu à l’aise pour justifier une garantie bancaire pour se couvrir du risque de non-paiement des loyers en cours d’exécution du bail.
Pour couvrir le risque du bailleur sous forme de garantie de « bonne venue », il paraît donc raisonnable de prévoir dans le Befa hôtelier que cette garantie sera payable en deux ou trois échéances et la première à remettre au plus tôt au jour de la réalisation de la première condition suspensive du Befa.
NB : la garantie de « bonne venue » n’a pas vocation à être prolongée sur la durée du bail, dès lors que le preneur aura pris possession des locaux.
La généralisation de la pratique de la garantie « de bonne venue » ? Cela est loin d’être acquis dans les Befa hôteliers. Cette garantie spécifique s’applique selon nos statistiques sur environ un tiers des contrats, avec des montants de l’ordre de 12 à 18 mois de loyer.
La méthodologie de négociation des garanties du Befa à privilégier : la négociation des garanties gagne à être menée avec pragmatisme pour concilier les intérêts économiques et financiers contradictoires des parties. Elle doit être amorcée dès le stade de la lettre d’intention avec les autres points clés qui conditionneront la réussite du projet hôtelier dans le cadre du Befa hôtelier.
La négociation des garanties du Befa hôtelier, si elle a toute sa spécificité, dépend aussi de l’ensemble des négociations couvrant les autres diverses parties financières du Befa comme la charge du financement des FF&E et des OSE, la prise en charge de la préouverture, des travaux et des mises aux normes et des charges, le loyer fixé par pallier, etc.).
Cet article est également paru sur Business Immo.
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