Loi Pinel : une modification substantielle des baux commerciaux
Date de publication : 25.02.14
Grégory Dubocquet Anne Epinat Ollivier Parracone
La Loi Pinel modifie formellement et substantiellement un certain nombre de points dans les rapports entre le bailleur et le locataire.
Formellement, le contentieux devrait être moins massif dès lors que la loi cherche à limiter la liberté contractuelle entre le locataire et son bailleur par la nécessité d’établir un état des lieux d’entrée et de sortie. Si un désaccord survient, à l’initiative de la partie la plus diligente, un huissier de justice se substituera aux parties pour le réaliser.
Ensuite, le bail devra comporter un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et redevances. Les charges seront alors clairement réparties entre les deux principaux antagonistes, selon la surface exploitée. Par faveur pour le locataire, un décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 a listé les charges qui ne peuvent, en aucun cas, lui être imputées. Le bailleur aura enfin une obligation d’information sur les travaux prévisionnels et réalisés (information lors de la conclusion du bail et ensuite tous les 3 ans).
S’agissant de la durée des baux commerciaux, le congé relatif à la fin du bail peut être donné par lettre recommandée avec accusé de réception ou par exploit d’huissier de justice. Cette mesure a été critiquée par la doctrine mais se trouve justifiée par le souhait de rendre les procédures moins onéreuses pour le bailleur.
En revanche, il est possible de se demander si la délivrance par la poste assure la même garantie que celle par un exploit d’huissier de justice. Il est possible d’en douter. Enfin, autre innovation de la loi, la révision triennale à la diligence du locataire redevient d’ordre public et prendra effet à partir de la date de la demande en révision. De son côté, le bailleur ne peut plus empêcher le locataire de résilier son bail à l’expiration d’une période triennale mais le locataire peut renoncer à son droit de résiliation anticipée en s’enfermant dans un bail ferme prévu pour seulement quatre hypothèses (bail supérieur à 9 ans sur des locaux construits en vue d’une seule utilisation, bail de locaux à usage exclusif de bureaux ou bail de locaux de stockage).
Substantiellement, la loi a prévu une double limitation de la clause de garantie solidaire du cédant. Le bailleur aura seulement un mois à partir du non-paiement pour informer le cédant du défaut de paiement du locataire. Enfin, cette clause ne pourra être invoquée que pendant une durée de trois ans, à compter de la date de cession du bail. Le deuxième axe majeur ensuite, envisage l’hypothèse d’une liquidation judiciaire avec plan de cession. Dans ce cas, la loi Pinel prévoit que le tribunal de commerce peut autoriser le repreneur a adjoindre des activités connexes ou complémentaires à celles déjà autorisées dans le bail cédé. Le bailleur ne pourra pas s’y opposer. De même, dans le cas d’une transformation de société, le bail commercial est transmis à la société qui bénéficie de la transformation.
Par conséquent, la fusion de société ou l’apport partiel d’actif ne fait pas disparaître le bail car celui-ci est transmis à la société issue de la fusion ou à celle bénéficiaire de l’apport. Poursuivant son œuvre créatrice, la loi Pinel crée ensuite, par une disposition qui n’est pas d’ordre public – afin d’en limiter la portée – un droit de préemption pour le locataire, en cas de vente des murs dans lesquels le fonds de commerce est exploité. Pour autant, cette faveur législative est limitée par les nombreuses exceptions qu’elle supporte.
S’agissant ensuite du loyer, la loi prévoit qu’il pourra être révisé ou renouvelé selon un indice des loyers commerciaux et un indice des loyers des activités tertiaires. Le recours au sempiternel indice du coût de la construction est maintenu pour des hypothèses subsidiaires , ce qui est conforté par le fait que pour les contrats en cours qui font encore référence à cet indice du coût de la construction, les parties devront se mettre en conformité avec la loi nouvelle en lui substituant un des deux nouveaux indices, au moment du prochain renouvellement (non à la prochaine révision). Ensuite, un des aspects les plus délicats de la loi réside dans la fixation d’une limite annuelle de 10% de l’augmentation du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Ce plafonnement s’appliquera même en cas de modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative (caractéristiques du local, destination des lieux, obligation des parties et facteurs locaux de commercialité). La volonté de pacifier les relations bailleur et locataire est encore renforcée par la création d’une commission départementale de conciliation, en charge des litiges relatifs au montant du loyer, des charges, des travaux et du déplafonnement.
Oscillant entre la protection des intérêts du bailleur puis du preneur, la loi instaure une nouvelle sanction pour les clauses contraires au statut des baux commerciaux en réputant non écrites celles qui n’y seraient pas conformes. Cela revient alors à les priver d’une existence juridique et à rendre absent tout délai de prescription. En pratique, cela enlève le danger de la prescription biennale qui privait le preneur, une fois les deux ans écoulés, d’une action contre ces clauses. Enfin, il convient de finir ce tour d’horizon des apports institués par la Loi Pinel par la clarification qu’elle apporte à la notion de convention d’occupation précaire, laquelle envisage la situation d’une occupation des lieux autorisée à raison de circonstances spécifiques, indépendantes de la seule volonté des parties.
Cette précarité peut notamment se matérialiser par un projet de démolition ou par la réalisation de travaux d’aménagement rendant précisément cette occupation….précaire ! Dans cette hypothèse, la durée de ce bail dérogatoire passe désormais de 2 à 3 ans. A l’issue, les parties auront un délai d’un mois pour manifester le désir d’échapper au statut légal des baux commerciaux. Il n’y aura donc plus de naissance d’un nouveau bail de manière implicite.
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