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Licenciement : quels sont les cas de nullité ?

Date de publication : 23.07.24

droit social

Motifs de licenciement In Extenso avocats

Brigitte Nechelis

Cet article, écrit par Brigitte Nechelis a été publié dans la revue « Social Pratique n°858 du 10 juillet 2024 » dédiée à l’actualité du droit social.

Motifs discriminants, femme enceinte, salarié protégé, salarié victime de harcèlement moral… Quelles sont les différentes interdictions de licencier et leurs conséquences ?

Il existe plusieurs situations dans les lesquelles le recours à un licenciement est interdit. La sanction d’un tel licenciement est sa nullité, ce qui peut être lourd de conséquences pour l’entreprise car elle se traduit par une indemnisation intégrale du préjudice du salarié ou, s’il en fait la demande, sa réintégration ainsi que le paiement des salaires depuis son éviction, outre des sanctions complémentaires. Il est donc primordial de bien connaitre les différentes interdictions de licencier.

Quelles sont les différentes interdictions de licencier ?

1. Le licenciement prononcé en violation d’une liberté ou d’un droit fondamental

C’est la valeur constitutionnelle du droit ou de la liberté en cause qui conduit à sanctionner sa violation par la nullité [C. trav., art. L. 1235-3-1]. Cette catégorie est vaste est recoupe de nombreux cas de nullité.

  • Licenciement prononcé en violation de la liberté d’expression ou de témoigner en justice

Est nul le licenciement qui sanctionne un salarié ayant :

    • Exercé, sans abus, sa liberté d’expression [Cass. soc., 22 juin 2004, n° 02-42.446] […]
    • Relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions [C. trav., art. L. 1132-3-3] […]

[…]

  • Licenciement prononcé en violation de la liberté d’ester en justice

Est nul le licenciement prononcé en raison d’une action en justice intentée par le salarié.
Tel est le cas par exemple d’un salarié qui agit en justice pour :

    • Faire respecter l’égalité entre les femmes et les hommes [C. trav., art. L. 1144-3]
    • Mettre fin à une discrimination [C. trav., art. L. 1134-4]
  • Licenciement prononcé en violation du droit de grève

Est nul le licenciement qui sanctionne un salarié ayant exercé son droit de grève, sauf faute lourde de grève [C. trav., art. L. 1132-2 et L. 2511-1]

A NOTER : La faute lourde suppose une participation personnelle et active du salarié à des faits illicites, comme par exemple des actes d’entrave à la liberté du travail, des violences sur les biens et les personnes ou encore des actes de séquestrations [Cass. soc., 19 déc. 2007, n° 06-43.739].

  • Licenciement d’une victime ou d’un témoin de faits de harcèlement moral ou sexuel

Est nul le licenciement d’un salarié ayant :

    • Témoigné d’un harcèlement sexuel, subi ou refusé de subir un harcèlement sexuel [C. trav., art. L. 1153-1 et s.]
    • Témoigné d’un harcèlement moral, subi ou refusé de subir un harcèlement moral [C. trav., art. L. 1152-1 et s.]

[…]

D’autres cas sont abordés également :

  • Licenciement discriminatoire prononcé en violation du principe d’égalité
  • Licenciement prononcé en violation du droit au respect de la vie privée et personnelle

[…]

2. Le licenciement prononcé en violation de la protection liée à la grossesse, à la maternité, à la paternité et à l’adoption

Est nul de licenciement :

  • de la salariée en état de grossesse, sauf faute grave ou lourde de l’intéressée ou impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’état de grossesse [C. trav., art. L. 1225-4]. Il s’agit donc d’une protection relative contre le licenciement dans la mesure où le licenciement peut avoir lieu dans certains cas

[…]

  • de la salariée pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit, qu’elle use ou non de ce droit [C. trav., art. L. 1225-4]. Il s’agit d’une protection absolue qui ne souffre d’aucune exception

[…]

  • du salarié père lorsqu’il prend le congé postnatal à la suite du décès de la mère ou lorsque c’est lui, et non la mère, qui prend le congé d’adoption [C. trav., art. L. 1225-28 et L. 1225-39]. Il s’agit d’une protection absolue

[…]

3. Le licenciement d’un salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle

Est nul le licenciement des accidentés du travail ou des salariés atteints d’une maladie professionnelle pendant la période de suspension de leur contrat de travail [C. trav., art. L. 1226-13].

Deux cas supplémentaires sont abordés également dans l’article :

  • Le licenciement pour motif économique d’un salarié sans décision de validation ou d’homologation du PSE
  • Le licenciement d’un salarié protégé représentant du personnel sans autorisation de l’Inspection du travail

Quelles sont les sanctions d’un licenciement nul ?

Les conséquences de la nullité du licenciement dépendent du choix du salarié, qui peut :

  • Soit demander la continuation de son contrat de travail, c’est-à-dire demander sa réintégration. Dans ce cas il obtient, outre sa réintégration, une indemnisation spécifique
  • Soit renoncer à ce droit et percevoir les indemnités de rupture, outre être indemnisé au titre de la nullité de son licenciement.

En tout état de cause, l’employeur peut être condamné à rembourser à France-Travail les allocations chômage perçues par le salarié.

Lorsque le salarié demande sa réintégration, celle-ci est obligatoire

Tout licenciement nul entraîne un droit à réintégration pour le salarié, peu important qu’aucun texte ne prévoit ce droit [Cass. soc., 30 avr. 2003, n° 00-44.811].

  • Cette réintégration a lieu dans l’emploi du salarié ou dans un emploi équivalent

[…]

Seule exception très limitée, la réintégration matériellement impossible

[…]

Lorsque le salarié demande sa réintégration, il a droit à une indemnisation spécifique

  • Cette indemnisation est égale au montant des salaires dont le salarié a été privé entre son licenciement et sa réintégration […]
  • Cette indemnisation couvre le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement […]
  • La période d’éviction doit être assimilée à du temps travail effectif pour la détermination des droits à congés payés […]

[…]

Lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration ou que celle-ci est impossible, son indemnisation est différente 

  • Le salarié a droit aux indemnités de rupture […]
  • L’indemnité pour licenciement nul au moins égale à 6 mois de salaire […]
  • Le juge apprécie l’étendue du préjudice subi par le salarié […]

[…]

Prescription et transaction sur le licenciement

Il est important de rappeler que :

  • L’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de cette dernière [C. trav., art. L. 1471-1]
  • Le salarié peut, une fois le licenciement prononcé et malgré sa nullité, renoncer à saisir le Conseil de prud’hommes et conclure avec l’employeur une transaction en vue de régler les conséquences pécuniaires de la rupture illégale du contrat de travail [Cass. soc., 5 févr. 2002, n° 99-45.861].

Lire l’intégralité de l’article pour comprendre et respecter les droits des salariés – Interdiction de licencier, quels sont les risques

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