Responsabilité contractuelle de l’architecte et délai de prescription
Date de publication : 15.07.14
Point de départ de la prescription
La Cour de Cassation a récemment décidé que le point de départ de la prescription, en matière de responsabilité contractuelle mise en œuvre par le maître d’ouvrage contre l’architecte, était la date de la décision définitive du juge pénal condamnant le premier à démolir l’ouvrage. Maître Patrick Lopasso, Avocat spécialisé en droit immobilier, commente l’arrêt rendu le 12 juin 2014 par la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation (3ème Ch. Civ., 12/06/2014, Pourvoi F13-16.042). Un maître d’ouvrage mandate, après obtention d’un permis de construire, différents intervenants et notamment une équipe de maîtrise d’œuvre pour réaliser une villa.
L’administration va dresser un procès-verbal d’infraction au regard des règles d’urbanismes estimant que l’autorisation de construire n’avait pas été respectée quant à l’implantation de la construction. L’administration va être contrainte également de prendre un arrêté interruptif des travaux. Débute alors une longue procédure pénale qui va durer 11 ans et aux termes de laquelle le maître d’ouvrage sera notamment condamné à démolir la construction.
Le maître d’ouvrage va rechercher la responsabilité, en particulier, des maîtres d’œuvres 13 ans après la notification du procès-verbal d’infraction.
La première question à résoudre portait sur le délai de prescription quant à l’action en responsabilité contractuelle à engager contre les maîtres d’œuvres.
En matière de responsabilité contractuelle du constructeur, quant aux désordres de constructions, et en l’absence de réception, il a été dit pour droit par la Cour de Cassation que l’action se prescrit par dix ans à compter de la manifestation du dommage (C.CASS 23° ch. Civ, 24/5/06; WOJTYCZKA et autre / TAVOILLOT, Bull Civ III n° 132, revue responsabilité civile d’assurances 2006 n° 265).
Les arrêts BOTTEMER et GROSBOST du 16 octobre 2002 (Cour de Cassation 3ème Ch. Civ.16 octobre 2002, JD 2002-015984 et JD 2002-015884 ; Construction et Urbanisme 2003 n° 7) ont énoncé le principe selon lequel la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur pour manquement au devoir de conseil, ne peut être invoquée quant aux désordres affectant l’ouvrage au-delà d’un délai de 10 ans.
- Le délai de prescription se détermine en fonction de l’existence ou non d’un désordre.
- En cas de désordre à l’ouvrage, la responsabilité contractuelle de l’architecte est limitée à 10 ans.
Il convient donc de s’attacher au cas d’espèce sur l’existence ou non de désordres. Il est de jurisprudence constante que « l’erreur d’implantation de la villa résultant du non respect des règles d’urbanisme et aboutissant à sa démolition constitue un désordre » (Cour de Cassation, chambre civile 3, 15 décembre 2004, requête n° 0317876 ; Cour de Cassation, chambre civile 3, 20 novembre 2007, requête n° 0617038 ; CA LYON, 1èrechambre civile, 6 septembre 2007, requête n° 06/02764).
Par conséquent, l’ouvrage litigieux ayant été démoli à la suite d’une erreur d’implantation constitutive d’une infraction aux règles d’urbanisme, d’évidence, cette erreur d’implantation était assimilable à un désordre et la responsabilité contractuelle des architectes était limitée à 10 ans à compter de la manifestation du désordre.
La deuxième question portait sur le point de départ de la prescription.
Les architectes soutenaient que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’erreur d’implantation et des manquements aux prescriptions du permis de construire dès la notification qui lui avait été faite par l’administration du procès-verbal de constat d’infraction. C’est la thèse qu’a d’ailleurs retenue dans une affaire semblable la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un arrêt du 8 septembre 2008.
Le maître d’ouvrage soutenait, quant à lui, que le point de départ était fixé à la date de la décision définitive de la Cour de Cassation qui avait confirmé sa condamnation pénale. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 10 février 2011, avait pu dire, dans une affaire dans laquelle un copropriétaire avait obtenu l’autorisation du syndic de sa copropriété de réaliser une véranda, avant d’être condamné à la démolir, que le point de départ de la prescription en responsabilité engagée contre le syndic qui avait mal informé, était la date du jugement en prononçant la démolition.
La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 12 juin 2014, s’inscrit dans ce courant jurisprudentiel en estimant que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle concernant les architectes est la date à laquelle le juge pénal avait ordonné la démolition de la construction.
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